Made In France a joui d’une promotion aussi tragique qu’inespérée. « Le film qui avait prédit les attentats de Paris », pouvait-on lire, « le film maudit », « le film malheureusement visionnaire ». Dans l’imaginaire collectif, Made In France est avant une affiche parlante, l’ombre de la Tour Eiffel derrière une kalachnikov monumentale. Une affiche retirée expressément des stations de métro, au lendemain du 13 novembre, alors que le film devait sortir en salle cinq jours plus tard. Repoussée à une date ultérieure pendant trois mois, la sortie de Made In France se limitera finalement à une version VoD sur petit écran, désertant nos salles de cinéma.
Davantage une docu-fiction éducative qu’un véritable film
Une justesse d’esprit de la part du réalisateur Nicolas Boukhrief, qui profite au deuil et aux cinéphiles. Made In France aborde un thème profondément intéressant et plutôt inédit, mais il s’agit pourtant d’un mauvais film cinématographiquement parlant. Le synopsis nous envoie un tas de promesses, s’engageant à mêler nos pas à ceux d’un journaliste, Sam (Malik Zidi), qui infiltre une cellule terroriste parisienne.
La réalisation d’un tel projet est pleine d’écueils, sur lesquels s’échoue malheureusement le film. Nicolas Boukhrief maîtrise l’escalade de tension propre au thriller, mais la profondeur lui échappe. Il souhaite réaliser un film citoyen, entre documentaire et fiction, dont le message essentiel repose dans le fait que la radicalisation est un phénomène sans visage, sans origine, sans âge. Ainsi, Made In France prend (trop) soin d’accentuer l’individualité, d’exacerber les personnalités uniques et fondamentalement différentes de chaque protagoniste. Ces personnages sont tant incarnés dans la volonté de diverger les uns des autres qu’ils en deviennent grossièrement caricaturaux. Prenons deux exemples flagrants : Christophe (François Civil), jeune bourgeois dont le polo est rentré dans la ceinture et dont les doigts ne se décollent pas de l’Iphone, côtoie Driss (Nassim Si Ahmed), un jeune de cité ultraviolent et impulsif. Il est indubitable que le jihad nécrose tous les milieux, mais ce quatuor, qui retrouve rapidement son leader Hassan (Dimitri Storoge), met en scène des coéquipiers dont l’excessif antagonisme entrave la crédibilité de l’histoire.

© Emmanuelle Jacobson-Roques / Pretty Pictures
Une crédibilité d’autant plus entachée par des codes de série B pesants, sans qualité. Les rebondissements semblent volés à certains blockbusters ultra-prévisibles et ne font qu’alourdir une gêne déjà trop présente. Evidemment, Made In France ne s’est jamais réclamé héritier du chef d’oeuvre qu’est Un Prophète, mais il prétendait à une diffusion sur grand écran. On lui déplore pourtant une absence de profondeur, de subtilité et tant de lacunes qui restreignent son statut au « docu-fiction politico-citoyen », plutôt qu’au véritable film.
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★★
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